manifeste
pour l’avenir de l’alimentation
vers un système alimentaire local
éthique, résilient et inclusif
Depuis quelques générations, le lien aux aliments que nous mangeons a été rompu par ce système qu’on qualifie de « conventionnel », priorisant la productivité sur la qualité nutritionnelle et environnementale, et amenant des conséquences néfastes sur l’environnement et l’équité sociale. Mû au départ par le désir de progrès et le besoin de nourrir la population grandissante convenablement, force est de constater que, au Québec et partout dans le monde, trop de personnes n’ont aujourd’hui pas accès à une alimentation adéquate. De plus, nos systèmes alimentaires sont responsables d’une grande part des émissions de gaz à effet de serre, tout en présentant un immense potentiel de réduction de ces émissions, par l’adoption de pratiques durables. D’autant plus, les situations de crises montrent les failles indéniables qui menacent notre souveraineté et notre sécurité alimentaire collective. Un changement profond de nos systèmes alimentaires, de la terre à l’assiette, est nécessaire pour la santé de nos communautés, la résilience de nos environnements naturels et le développement d’économies locales florissantes. Nous devons travailler tous.tes ensemble à bâtir un système alimentaire équitable et résilient aux différents chocs auxquels nous faisons face de plus en plus souvent.
Notre collectif d’expert.e.s passionné.e.s est lié par une mission commune : favoriser l’innovation sociale alimentaire. En soutenant de multiples initiatives, entreprises et projets collectifs, nous œuvrons à bâtir des écosystèmes alimentaires justes et inclusifs, en cocréant des solutions territorialisées et démocratiques, afin de mener à des pratiques alimentaires durables qui contribuent à un avenir meilleur pour tous.tes. Bien que nous reconnaissions que toute activité humaine a nécessairement un impact sur son environnement, nous misons sur l’intelligence collective et la mobilisation d’une diversité d’instances (bailleurs de fonds, société civile, acteur.trice.s de changement, citoyen.ne.s alimentaires, etc.) pour générer le plus de retombées positives et le moins d’effets néfastes possible pour les générations à venir.
Nous croyons que:
L’alimentation est un bien collectif
avant d’être un bien commercial
L’alimentation est un moteur de changement
environnemental, social, économique
Les systèmes alimentaires doivent viser des bénéfices à trois niveaux, soit un bienfait ou impact minime en termes 1-de la préservation des écosystèmes naturels, 2-de la santé des individus et du développement social et culturel des communautés et 3-du développement et de l’équité économique pour tous les acteur.trice.s de la chaîne, plutôt que de servir à la croissance économique de monopoles et conglomérats. L’alimentation doit être à échelle humaine et territoriale pour nourrir les communautés, tout en étant diversifiée grâce à la richesse d’échanges mondiaux équitables.
Les systèmes alimentaires doivent également prendre tous les moyens disponibles pour réduire le gaspillage alimentaire ou tout effet négatif issu de la production, transformation (emballage), transport, postconsommation.
COMMENT FAIRE ?
Nous devons retrouver la connexion avec nos aliments
les gens qui les produisent et la terre qui nous nourrit
Sans retourner en arrière, nous devons reconnecter avec les individus, les savoir-faire et les processus derrière notre nourriture. Il est toujours préférable de pouvoir nommer les ingrédients que l’on consomme, et souhaitable de pouvoir échanger avec la personne qui les a produits. Dans une ère où tout nous est disponible, commercialisé, préparé, transformé, prêt-à-manger, nous devons aller au-delà des allégations commerciales et tendances pour comprendre les mécanismes qui amènent cette nourriture à notre table. Cela nécessite un effort supplémentaire de compréhension des systèmes agricoles, des procédés de l'industrie et des échanges commerciaux;
nous devons développer une pensée critique de citoyen.ne.s alimentaires, à l’image de l’implication politique ou économique encouragée dans notre société.
COMMENT FAIRE ?
Il n’y a pas de solutions simples à des problèmes complexes
attention aux fausses bonnes idées et aux raccourcis
Une solution innovante doit toujours être considérée dans son ensemble; si elle apporte un bienfait dans un seul aspect des trois niveaux de bénéfices recherchés (environnemental, social, économique) mais néglige d’autres effets négatifs, il s’agit probablement d’une fausse bonne idée. Si elle s’attarde à la conséquence d’un problème, plutôt que de s’attaquer au problème en soi, il s’agit probablement d’une réponse incomplète. Il faut donc toujours être prudent.e face à des solutions “faciles” ou des courants de mode, qui mettraient l’accent sur un message (ex: sans OGM, grains entiers, végétalien, etc.) en omettant d’autres aspects (pesticides, additifs, utilisation d’eau, conditions de travail adéquates, etc). Nos systèmes alimentaires sont complexes et requièrent des solutions conséquentes; nous devons comprendre l’impact réel de nos pratiques et choix de société en matière d’alimentation.
COMMENT FAIRE ?
Personne ne doit être laissé derrière
pour avancer tous.tes ensemble
Nous devons nous assurer d’inclure tous les individus dans l’optimisation des systèmes alimentaires, y compris les communautés plus vulnérables, marginalisées et sous-représentées, et prendre en considération les besoins multiples et intersectionnels de tous.tes. Nous devons reconnaître les injustices subies par plusieurs de ces communautés, qui ont eu et continuent d’avoir un effet sur leur accès à la terre, au territoire et aux ressources, ainsi qu’à une alimentation saine et adéquate. Nous reconnaissons également la richesse apportée par toutes les diversités à notre culture agricole, culinaire et expérientielle commune de l’alimentation. Par le partage de repas, de traditions, de recettes, d’aliments, de semences, il est possible de rassembler et de créer des ponts entre les individus et les communautés. Une chaîne est toujours aussi forte que son maillon le plus faible, et la nourriture a un immense pouvoir rassembleur.
COMMENT FAIRE ?
Nous sommes tous.tes les gardien.ne.s de la terre
tout le monde mange
« Mon grand-père disait qu'une fois dans sa vie, on a besoin d'un médecin, d'un avocat, d'un policier ou d'un prêtre, mais tous les jours, trois fois par jour, on a besoin d'un.e fermier.ère. ». - Brenda Schoepp, 2012
Nous reconnaissons que les agriculteur.trice.s* sont les gardien.ne.s de première ligne du sol et de la terre et nous souhaitons que leur rôle soit reconnu à sa juste valeur. Nous voulons qu’il.elle.s aient les moyens d’occuper le territoire de manière durable et résiliente (À lire aussi: Manifeste de la résilience), et de s’harmoniser avec la nature, par définition imprévisible, sans en porter tous les risques. En tant que citoyen.ne.s mangeur.euse.s, nous devons tous.tes être solidaires et reconnaissant.e.s de cet important travail, et porter notre souveraineté alimentaire comme un effort collectif et quotidien.
Nous devons redonner la priorité à l’alimentation dans nos choix de consommation individuels et de société, et revoir la valeur accordée à nos aliments.
COMMENT FAIRE ?
* Cette appellation s’applique à toute personne fournissant tout produit issu de la nature, soit pêche, chasse, cueillette sauvage, etc.